2. COMPTE RENDU DES PUBLICATIONS

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COMPTE RENDU DES PUBLICATIONS.

a) COMPTE RENDU QUALITATIF DES PUBLICATIONS  

b) LIMITES DES COMPTE RENDUS QUALITATIFS 
Subjectivité et imprécision 

c) COMPTE RENDU QUANTITATIF DES PUBLICATIONS 

En Amérique, vers la fin des années 70, des chercheurs ont commencé à examiner sérieusement les implications psychologiques de l'ASE. De nombreuses études sur le sujet ont été publiées. Celles-ci ont ensuite fait l'objet d'un autre type de recherche qui consiste à passer en revue les études disponibles et à en faire la synthèse. Beaucoup de comptes rendus de publications sont apparus ces quinze dernières années, mais n'ont pas abouti à des conclusions unanimes. Cependant, un bon nombre d'entre eux ont accrédité la thèse des dommages causés, de leur fatalité, de leur intensité et de leur équivalence quel que soit le sexe, venant ainsi renforcer les idées répandues sur l'ASE.

Nous allons examiner successivement les deux types de compte rendu : qualitatif, puis quantitatif.

a) COMPTE RENDU QUALITATIF DES PUBLICATIONS.

Dans ce premier type, le chercheur confronte un certain nombre d'études et résume de façon narrative ce qu'elles semblent démontrer. Le chercheur donne au lecteur – à l'aide de mots et de descriptions plutôt que par des formules mathématiques – son interprétation sur les conclusions tirées des études dans leur ensemble.

Les auteurs de ces comptes rendus qualitatifs ont généralement conclu que l'ASE est associée à une grande variété de troubles psychologiques tels que la colère, la dépression, l'anxiété, les désordres nutritionnels, l'abus de drogues et d'alcool, la perte de l'amour-propre, les difficultés relationnelles, les problèmes de comportement sexuel, l'agressivité, l'automutilation, le suicide, la dissociation, le stress post-traumatique et beaucoup d'autres encore. Le plus souvent, ils sont partis du postulat que l'ASE était à l'origine de ces problèmes et ils ont affirmé ou laissé entendre que la plupart des personnes qui avaient vécu un ASE en seraient un jour affligées. Certains ont même souligné que les garçons n'étaient pas moins touchés que les filles. Un groupe de chercheurs a qualifié de mythe l'idée que les garçons pourraient être moins affectés que les filles. Un autre chercheur a qualifié d'exercice futile tout effort pour déterminer si garçons ou filles étaient plus ou moins négativement affectés et conclu que l'ASE produit un effet délétère sur ceux qui en sont victimes quel que soit leur sexe.

Tous les chercheurs ne sont pas cependant parvenus aux même conclusions. Certains ont fait remarquer qu'il fallait traiter les liens de causalité avec la plus grande prudence et noté que l'ASE est si généralement imbriqué dans des problèmes de milieu familial qu'il n'est pas vraiment possible de dire si les plus grandes difficultés d'adaptation éprouvées par les sujets ayant vécu une ASE sont dues à l'ASE lui-même ou à un milieu familial défavorisé. Un certain nombre de chercheurs ont fait ressortir que les conséquences d'une ASE sont variables plutôt que systématiquement négatives.

Constantine, par exemple, dans un des comptes rendus les plus anciens, a découvert que les conséquences négatives étaient souvent absentes chez les sujets issus d'études non cliniques. Il a conclu qu'il n'y avait pas d'issue inévitable ou de réaction type et que les réactions à l'ASE sont tempérées par des facteurs non sexuels comme le libre consentement à la rencontre sexuelle tel qu'il est perçu par le jeune partenaire. Enfin, quelques chercheurs ont noté que les garçons avaient tendance à réagir de façon beaucoup plus positive ou plus neutre que les filles.

b) LIMITES DES COMPTE RENDUS QUALITATIFS 

Que pouvons-nous conclure de l’ensemble de ces comptes rendus qualitatifs ? Pas grand chose en fait, et il y a plusieurs raisons à cela. Tout d’abord, les conclusions sont différentes d'un compte rendu à l'autre ; mais aussi, et c'est encore plus important, les études s’appuient sur des échantillons biaisés, et se sont trouvées faussées par la subjectivité et l'imprécision des auteurs.

Echantillons biaisés.

Tous ces comptes rendus qualitatifs, à une exception près (nous y reviendrons plus tard), étaient basés principalement sur des échantillons cliniques ou judiciaires. On ne peut prétendre que des échantillons cliniques ou judiciaires de victimes d'abus représentent l'ensemble des personnes ayant une expérience d'ASE. C'est là un point très important que nous allons développer un peu.

On a jadis acquis la "preuve" que la masturbation causait des maladies mentales en observant que les malades en asile psychiatrique se masturbaient. On a jadis acquis la "preuve" que l'homosexualité était une pathologie sur la base d'échantillons psychiatriques et carcéraux. Quand on prenait des exemples non cliniques, l'homosexualité et la masturbation apparaissaient sous un jour bien différent et beaucoup plus véniel. Par analogie, nous devons étudier l'ASE au sein de populations non cliniques afin de déterminer s’il est toujours dommageable pour l'individu, et à quel degré.

Quelques études d'ASE se sont appuyées sur des échantillons cliniques de taille importante, ce qui semblait autoriser les critiques à conclure que l'ASE était hautement destructrice. Mais l’analyse d’un échantillon de taille élevée ne garantit pas la pertinence des conclusions de l’étude. Pour nous en persuader, rappelons un exemple fameux.

En 1936 aux Etats Unis, le républicain Alf Lindon se présentait à l'élection présidentielle contre le démocrate Franklin Roosevelt. Deux semaines avant l'élection, le magazine Literary Digest envoya 12 millions de cartes postales pour demander aux électeurs pour qui ils allaient voter. Il reçut 2,5 millions de réponses, 57% votant pour Lindon et 43 % pour Roosevelt. On sait que la véritable élection donna le résultat opposé. Que s'est-il passé ? Le magazine a obtenu son échantillon à partir du fichier des immatriculations de voitures et de l’annuaire du téléphone. En 1936, au cœur de la dépression, les électeurs qui possédaient une voiture et le téléphone étaient parmi les plus aisés et, en conséquence, avaient plutôt tendance à voter Républicain. De ce fait, l'échantillon n'était pas représentatif. Le grand nombre de réponses obtenu (2,5 millions) ne pouvait compenser la non-représentativité de l’échantillon.. Un échantillon représentatif de 1000 personnes, tel qu'on en utilise couramment aujourd'hui, est largement préférable pour obtenir des résultats valables. Le principe est que la taille d’un échantillon ne compensera jamais sa non-représentativité.

Les conclusions de 150 études cliniques apportent beaucoup moins d'information que les conclusions d'une seule étude représentative. Le grave défaut de la plupart de ces comptes rendus est de se limiter aux échantillons cliniques et judiciaires. Il est problématique de tirer des conclusions de ces échantillons cliniques et judiciaires non seulement parce qu'ils ne sont pas représentatifs de la population dans son ensemble, mais aussi parce que les données provenant de ces échantillons risquent fort de n’avoir aucune valeur.

Cela tient en particulier aux convictions du thérapeute. Si celui-ci est convaincu, comme beaucoup l'étaient à une époque, que l'homosexualité est un facteur de déséquilibre, il ne sera pas enclin à rechercher d'autres causes potentielles au déséquilibre d'un malade homosexuel. Du même coup, la certitude du thérapeute qu'il a bien affaire à une pathologie se trouve confirmée. Le même raisonnement peut s'appliquer à l'ASE. Prenons un exemple resté célèbre. Le psychiatre Fred Berlin était chargé d'examiner le Président de L'American University qui venait d'être arrêté pour avoir passé des coups de téléphone obscènes. Le patient confia à Berlin qu'il avait eu une relation incestueuse avec sa mère à l'âge de 11 ans et aussi qu'il avait été battu de façon répétée et continue durant tout son enfance. Convaincu comme il l'était que l'ASE avait le pouvoir de créer une pathologie, Berlin s'est fixé sur l'inceste et en a fait la cause de tous les problèmes de son patient. Il a ensuite utilisé cet exemple pour prouver le pouvoir dévastateur de l'ASE. Mais face à des abus physiques à la fois plus dominante et plus profonds, ses conclusions semblent pour le moins sujettes à caution.

Cet exemple montre comment un examen trop sélectif des éléments de preuve a permis de renforcer les idées préconçues du thérapeute quant à la dangerosité de l'ASE. Cela ne signifie pas que l'ASE ne soit jamais à l'origine du déséquilibre d'un patient, mais plutôt que les attentes d'un thérapeute peuvent singulièrement distordre sa perception du rôle joué par l'ASE dans le déséquilibre d'un patient.

Subjectivité et imprécision

Les comptes rendus qualitatifs sont entièrement narratifs et donc sujets aux interprétations subjectives du critique. Les auteurs qui sont convaincus que l'ASE joue un rôle majeur dans les psychopathologies adultes peuvent être en proie à un préjugé de confirmation, c'est-à-dire qu'ils ne notent et ne décrivent que les résultats de recherches faisant état d'effets néfastes, mais ignorent ou s'intéressent peu aux résultats montrant des issues non négatives ou positives, ce qui leur permet de confirmer leur conviction initiale.

De même, les gens qui croient à l'astrologie sont très impressionnés quand les prédictions de leur horoscope se vérifient mais, quand ce n'est pas le cas (c'est à dire la plupart du temps), ils l'oublient très vite. Grâce à ce préjugé de confirmation, ils restent convaincus de la valeur prédictive de l'astrologie. Pour confirmer l'existence d'un préjugé de confirmation dans les recherches sur l'ASE, nous avons l'exemple de Mendel qui a rendu compte d'une étude comprenant deux échantillons différents d'étudiants. Dans le premier, aucune association n'a pu être faite entre l'ASE et des problèmes d'équilibre. Dans le second, plus petit, quelques associations purent être faites. Mendel n'a pas tenu compte des résultats du premier échantillon, mais il a utilisé le second pour confirmer que l'ASE était bien un facteur de déséquilibre. Nombre de ces études qualitatives ont souffert d'un problème majeur : une attention très sélective portée aux résultats examinés.

L'imprécision constitue un autre problème de taille. Dans le cas précédent, Mendel a utilisé un exemple de confirmation pour prouver que l'ASE était une cause de dépression, d'angoisse et tout ce qui s’en suit. Dans son rapport, il omet de préciser que l'association entre l'ASE et les symptômes constatés était faible. C'est pourtant une information de première importance, qui interdit de conclure comme l'a fait Mendel que l'ASE produit des effets d'une grande intensité. Le problème s'est posé dans tous ces comptes rendus qualitatifs de publications : les études montrent des différences de comportement minimes – bien que statistiquement significatives – tandis que les auteurs forcent les résultats et parlent de conséquences graves. Il est nécessaire que les auteurs utilisent un traitement statistique honnête et précis, faute de quoi ils seront enclins à exagérer les résultats s’ils considèrent déjà, a priori et à titre personnel, que l'ASE est hautement destructive.

c) COMPTE RENDU QUANTITATIF DES PUBLICATIONS 

Pour éviter le problème des comptes rendus qualitatifs, un certain nombre de chercheurs ont commencé, au milieu des années 90, à faire des comptes rendus quantitatifs. Ces comptes rendus sont des méta-analyses, c’est-à-dire que le chercheur rassemble un certain nombre d'études ayant comparé l'équilibre général de sujets ASE avec celui de sujets témoins, il en extrait les statistiques comparant les deux groupes et les rassemble dans une statistique globale. La moyenne de toutes les valeurs nous renseigne ainsi sur l'association entre l'ASE et l'équilibre de l'individu.

La valeur commune obtenue dans chaque étude des méta-analyses est appelée mesure de l'effet : elle mesure la différence entre les sujets ASE et les sujets témoins en ce qui concerne l'équilibre de leur personnalité. On s’attache notamment à quantifier la différence entre les sujets ASE et les sujets témoins, car la seule affirmation " il y a une différence statistiquement significative " n’est pas suffisante ; la mesure de l’effet permet de distinguer différents degrés dans les différences constatées entre les sujets ASE et les sujets témoins.

Pour des commodités de présentation, nous indiquerons les mesures d'effet de la façon suivante. Imaginons un groupe d'individus dont certains ont vécu un ASE, les autres étant les sujets témoins. On peut penser que dans les deux groupes on trouvera des individus plus ou moins équilibrés. Certains seront très équilibrés, d'autres le seront moyennement, d'autres le seront assez peu et quelques-uns seront fortement déséquilibrés. Si l'ASE a un effet très fort, il doit être responsable d'au moins 50% de la variation d'équilibre entre tous les sujets ; si l'ASE a un effet fort, il doit être responsable d'au moins 25% ; s’il a un effet moyen, il doit être responsable d'environ 10% ; et si l'ASE a un effet réduit, il doit être responsable d'environ 1% de la variation d'équilibre.

Un chercheur du nom de Jumper a pris des échantillons d'étudiants, de citoyens ordinaires et des échantillons cliniques pour sa méta-analyse du rapport entre l'ASE et l'équilibre individuel. Elle a fait la moyenne des mesures d'effet séparément pour chaque type d'échantillon. Après correction, ses résultats ont montré que l'ASE était responsable de 0,8% de la variation d'équilibre dans les échantillons étudiants, 2,25% dans les échantillons de citoyens, 7,3% dans les échantillons cliniques. En d'autres termes, l'ASE avait bien un rapport avec l'équilibre de la personnalité mais il était faible dans les échantillons non cliniques et moyen dans les cliniques. En 1996, un second groupe de chercheurs a publié une autre méta-analyse. Ils ont calculé les mesures d'effet moyenné séparément pour les échantillons cliniques et non cliniques. La variation dont l'ASE était responsable était de 1,4% pour les échantillons non cliniques et de 3,6% pour les cliniques.

Ces deux comptes rendus quantitatifs se révèlent supérieurs aux études qualitatives à bien des égards. D'abord, ils évitent les interprétations subjectives, ils incluent un grand nombre d'échantillons non cliniques, et enfin ils analysent les deux types d'échantillons séparément.

Le schéma d'ensemble est celui-ci. Les échantillons cliniques sont nettement différents des non cliniques. Ceci montre de façon empirique qu'il est incorrect de généraliser à l'ensemble de la population les conclusions tirées d'une étude clinique de l'ASE. De plus, bien que l'ASE soit lié à un moindre équilibre dans les échantillons non cliniques, l'ampleur du phénomène est faible.

Lorsqu'on prétend que l'ASE produit des blessures psychologiques profondes, graves et durables, on se livre à une grossière exagération.

Il y quelques faiblesses dans ces deux études quantitatives – qui ont d'ailleurs été les seules à paraître jusqu'à il y a environ un an – ce qui nous a conduit par la suite à mener nos propres méta-analyses.

on a examiné très peu d'échantillons masculins (aucun dans la seconde étude) ;

on n'a fait aucune analyse pour montrer si l'association entre l'ASE et l'équilibre de la personnalité provenait de l'ASE lui-même ou pouvait être attribuée à d'autre facteurs comme un milieu familial défavorisé.

aucune étude n'a été réalisée pour montrer l'étendue des effets. Si l'ASE produit un effet, est-ce que celui-ci touche 100% des personnes exposées, 50%, 10% ou un autre pourcentage ?

on n'a pas parlé de la réaction des sujets eux-mêmes à l'expérience sexuelle qu'ils ont vécue. Il est possible que certains n'aient pas réagi de façon négative. Les idées généralement admises n'autorisent pas cette possibilité, mais une étude objective se doit de mener l’enquête, car cette information devrait pouvoir modifier les idées admises à propos d'ASE.

Afin de pallier les défauts de ces deux méta-analyses, nous avons mené les nôtres. Nous l'avons fait pour mettre à l'épreuve l'idée admise qu'au sein de la population dans son ensemble, l'ASE cause des dommages profonds, très répandus, et qu'il se révèle être aussi négatif pour les filles que pour les garçons. Puisque nous nous intéressions à l'ASE dans l'ensemble de la population, nous avons recueilli des échantillons exclusivement non cliniques. Cette optique se justifie par le fait que les deux méta-analyses étudiées ont montré que l'on ne pouvait pas généraliser les résultats d'études cliniques, comme cela a été aussi vérifié dans d'autres domaines du comportement humain. Pour connaître la nature de l'ASE, pour savoir s’il est dommageable en soi, il faut étudier un échantillon représentant la population dans son ensemble.

 

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